Col de Spandelle

Spandelles et fromage
L’ascension du col de Spandelles, depuis la vallée de l’Ouzom, nécessite un effort assez régulier, sur une pente moyenne qui varie entre 8 et 9%, ce qui n’est pas rien. Avec parfois quelques chatouilles de 10 à 13%. Tout cela sur dix à onze kilomètres. Voilà pour le mesurable.
Mais dès le départ l’effort est récompensé. La route étroite monte en lacets à travers bois et pâturages. Les voitures sont rares. Tout est silence et profondeur. Du vert tout autour, du vert au dessous, jusqu’au fond de la vallée qui s’éloigne des yeux, jusqu’à ce que les premières granges dépassées soient minuscules, tout en bas. En haut, sur la tête, le bleu, qu’on ne peut pas toucher, mais qui emplit le ciel d’un bonheur limpide. Nous sommes sept. Chacun sa fréquence, chacun son souffle, chacun son cœur, chacun sa sueur. Mais tous en commun quelque chose. Ce pourquoi nous sommes ici. Quelque chose de tacite. Un sentiment dont nous savons qu’il habite aussi les autres, une plénitude venue d’une autre profondeur, qui nous est intérieure et se déploie au fur et à mesure que l’on s’élève et qu’à chaque virage le regard embrasse le paysage nouveau qui émerge, et nous gratifie.
Et puis la dernière courbe, la dernière ligne droite, des ailes nous poussent, et le col apparaît, nu et venté.
Congratulations, photographie rituelle au pied du panneau et soulagement émerveillé, chacun savourant une victoire pacifique.
La descente sera prudente, il faudra prévenir tout emballement sur cette voie étroite et sauvage, parsemée de pierres et de gravillons, de branches tombées ici ou là et de bouses fraîches, encombrée parfois de quelque vache, autochtone libre et lente. 
Redescendus bon train jusqu’en aval de Ferrières nous avons fait halte chez un producteur de tome de chèvre. De petites Alpines mutines au pelage brun-roux soyeux et luisant vous lèchent affectueusement la main sur le passage vers la fraîche cave d’affinage.
Comme il n’est pas de sortie « Montagne » accomplie sans pique-nique, c’est près de l’église d’Asson, à l’ombre des tilleuls, que nous avons dégusté le saucisson au piment et la tome, les crudités et le jambon, les cerises et le gâteau, lubrifiant le gosier au Chinon et au Pacherenc, et tout cela était bel et bon.
Y.C.